15 Dec

Le lien social à Rio

Globalement, ce que nous pouvons retirer du Carnaval brésilien, du moins carioca, c'est son pouvoir agrégatif : sa capacité à réunir les gens et à diversifier leurs vécus. Ce pouvoir, il le tient de l'amour brésilien pour la musique et la danse qui font partie intégrante de leur quotidien. Sociabilité exacerbée, le carnaval a aussi son penchant institutionnalisé à travers les défilés officiels. Il ne faut donc pas idéaliser le phénomène mais bien les événements épars qui y gravitent. Que ce soit les réunions de quartiers, les blocs de rue ou même les répétitions d'école, chaque événement peut tendre au renversement d'une hiérarchie sociale ou au contraire la cimenter. On polarisera néanmoins, le côté populaire et chaotique,gratuit et diffus à un Sambodrome structuré, topologiquement situé et lucratif.

Ce qui est intéressant, en dehors d'une réflexion sur le carnaval en lui-même c'est de percevoir ses implications dans le quotidien brésilien, sur leurs manières d'être et d'interagir. Mon étude n'est pas assez poussé, je ne pourrai donc pas définir généalogiquement l'apparition des satellites musicaux brésiliens mais seulement en noter leur même potentiel social.

Le plus typique de ces satellites serait, selon moi, la Pedra do sal. Tous les lundis soirs, un groupe de cariocas se retrouvent sur cette place légèrement excentrée, aux murs graffés et à l'éclairage chaleureux. Les musiciens s'installent autour d'une grande table, Antartica (bière brésilienne) à portée de main. Place à la Samba, tour à tour les instruments changent de main, symbole d'une convivialité mais aussi d'une aisance musicale toute brésilienne, la foule entoure la table, rapidement une centaine de personnes chantent et dansent au rythme des joueurs. Deux heures durant ils nous enchantent de leurs harmonies festives puis rendez-vous la semaine prochaine (ou ailleurs dans les jours qui viennent).

Cet événement, dont vous trouverez une vidéo ci-dessous, est devenu très touristique, mais il conserve toute la tradition musicale brésilienne, reste gratuit et on y fait de super rencontres. Ce type d'événements pullule à Rio et ce tout au long de l'année, n'importe quand dans la semaine, sans égard pour les origines sociales, simplement par goût pour la musique, et son partage.

On retrouve aussi cette ambiance dans les Feira de Forro par exemple. Un genre de musique différent, une population plus agée mais néanmoins une grande sociabilité, sans complexe. Je pense que ces événements définissent une particularité brésilienne qui place les interactions au coeur du devenir sociétal. L'occidentalisation du pays ne suffit pas encore à endiguer cet esprit puissant dont nous devrions tirer des leçons. Placer la culture, et plus particulièrement la musique et la danse au coeur de la cohésion citoyenne serait peut-être un moyen de repenser le corps social au niveau national mais aussi européen. Sans vouloir calquer le modèle brésilien, peut-être peut-on s'en inspirer.