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Ce blog sera pour le moment consacré à une étude du Carnaval de Rio comme pratique culturelle "alternative"

31 Aug

Renversement carnavalesque

Publié par Elliot Clarke

Quand la masse des individus dépasse le quotidien au point d'en transformer tout le fonctionnement, à revers de la route tracée par l'Histoire linéaire d'une société
Quand la masse des individus dépasse le quotidien au point d'en transformer tout le fonctionnement, à revers de la route tracée par l'Histoire linéaire d'une société

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Tout les préparatifs aboutissent alors à cinq jours de fête intense. J'ai eu la chance d'arpenter les rues transformées de Rio pendant l'ensemble de l'événement. C'est d'abord seul que j'ai attaqué ma découverte du phénomène mais, la sociabilité exacerbée des participants m'a vite attiré vers de petits groupes de brésiliens, cariocas ou provinciaux, ainsi que des touristes du monde entier. Seul, on ne peut réellement le rester quand on partage une telle effusion de joie. Les brésiliens, pour ceux qui ne fuient pas la ville, aiment à partager ce moment essentiel de leur année avec tout un chacun.

C'est donc d'abord un carnaval social que j'ai découvert. Interpellé à plusieurs reprises, "t'es tout seul, tu fais quoi? Viens avec nous!", aussi simple que ça. Puis c'est une heure ou cinq de danse, de chant et d'alcoolémie sous une chaleur de plomb. On sympathise et on échange, on partage et on exhibe (sa joie bien sûr). Puis tout d'un coup, on perd ses camarades, ils nous abandonnent ou on s'en éloigne, comme cela, sans adieu. C'est donc aussi une sociabilité éphémère, tout à fait saisissante, qui parcoure les rues et faubourgs de la métropole. Cette rapidité de l'échange n'en réduit pas l'intensité, il m'est arrivé de recroiser des "amis du moment" qui m'ont chaleureusement alpagués. C'est simplement que les codes sociaux ne sont plus appliqués de la même manière, ce qui nous amène à une autre dimension du Carnaval brésilien :

Le renversement. J'ai pressenti cette facette carnavalesque bien avant de lire les considérations anthropologiques de Da Matta sur le carnaval. Il n'a fait que me confirmer que cet événement chamboule et travaille le sociétal, ses comportements et ses règles. Le déguisement est un premier aspect de ce renversement : Il s'agissait à l'origine de singer les codes vestimentaires des élites (colons portugais et membres du clergé) comme de transposer les genre. Ce travestissement, au sens propre, joue toujours ce rôle comique voir burlesque mais a su étendre la portée de sa critique à toutes les strates sociales. On ne retrouve plus seulement des nobles et des nonnes mais aussi des personnages historiques, des acteurs et des personnalités économiques. Tout porte à rire, tout doit devenir absurde afin d'oublier, pour un temps, la linéarité du quotidien, la permanence des jeux de pouvoir, les affres de l'Histoire. On se raconte des histoires, on fictionnalise le réel, on altère les relations, on différencie les espaces. Ce grand renversement est une critique sociale de l'ordre en général ce qui lui donne sa puissance. Exacerbation des déviances (sexuelles, vestimentaires, comportementales, etc), on ne dort que quelques heures, pure formalité, on boit dès le matin, on danse sous un cagnard désertique. La langue n'est plus une barrière, le corps fait le travail. C'est le désordre, chaos festif permit par ce renversement des valeurs et des habitudes, des codes et du social qui donne une puissance presque politique

Nous parlons là bien sûr du carnaval de rue, non institutionnalisé, diffus et mouvant. C'est cette dimension qui nous a fortement marqué et qui explique cet engouement total. Le carnaval ce n'est pas que cela bien sûr, nous en verrons les autres dimensions très prochainement. Pour le moment profitez de ce petit montage du Carnaval de Rio 2012!

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